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mardi 21 juillet 2009

Varennes, un grand timide plein d'énergie

Varennes est un cheval de selle français de 9 ans. D'un beau modèle, il dispose de beaucoup de force et d'une grande sensibilité. C'est donc un cheval délicat à monter car il requiert une équitation de finesse et de psychologie.

Les premières fois que je l'ai monté, j'avais l'impression d'être un passager clandestin à son bord. Le cheval répondait parfois à mes demandes, mais j'étais incapable d'en disposer complètement. Monsieur était très "sur l'oeil" à propos de tout et de rien, et à tout moments, pouvait creuser le dos, et s'enfuir en trombe, si ce n'était pas agrémenté de coups de cul.

On m'avait signalé que le cheval était très susceptible, et donc j'avais pris le parti d'avoir une main hyper légère et des jambes plus que timides. D'ailleurs j'avais bien remarqué cette sensibilité exacerbée car dès que ma main venait au contact, ou que mes jambes bougeaient un peu, le cheval montait en pression et se braquait.

Tant bien que mal, je le montais donc à l'occasion lorsque sa propriétaire était absente et qu'elle me sollicitait pour le sortir, mais sans grand suivi dans les séances, puisque d'une séance sur l'autre, de l'eau avait coulé sous les ponts. Son embouchure était alors un simple filet à gros canons de cuivre, et le plus souvent associé à une paire de rênes allemandes.

Sa propriétaire, ferrue d'obstacle commençait à se lasser de ce cheval car après 2 ans dans ses écuries, le cheval était toujours aussi susceptible et lunatique et aucune amélioration ne semblait venir quant à ses objectifs à l'obstacle. Pire, le cheval avait pris par moments une phobie des barres qui l'empêchait même de s'en approcher sans aucune intention de les sauter.

Un beau matin d'hiver, alors que je n'avais jusque là pas rencontré de problème de défenses trop avérées, j'eu à encaisser plusieurs séries de coups de culs enchaînés et qui pour finir ne ressemblaient en rien à des bonds de gaîté mais finissaient plutôt par me laisser penser que j'étais devenu indésirable à bord ... Je ne comprenais pas ce qui avait pu se passer. Pourquoi ce cheval qui jusque là s'était montré coopératif, malgré les quelques signes d'instabilité, était il devenu joueur à ce point ???

J'appris par la suite que le cheval avait jusque là été traité par un médicament aux plantes pour calmer l'anxiété et que le traitement avait été arrêté depuis ... Et surtout, qu'il n'était pas sorti de son box, les 2 jours précédents ma séance !!! Le cheval avait donc tout simplement emmagasiné un trop plein d'énergie et un surplus de stress à l'écurie, et avait besoin d'évacuer tout celà.

Le lendemain, par précaution, je pris le parti de le lacher dans le rond de longe avant de le monter pour qu'il jette son feu. Et effectivement, je compris qu'il débordait toujours d'énergie. En passant, lorsque je lâche un cheval en liberté, je prends toujours les précautions suivantes :
  1. je l'amène au paddock et aussitôt passé la porte, je lui tourne la tête vers moi (et donc vers l'entrée).
  2. je passe le bout d'un doigt dans l'anneau du licol où est attaché la longe, pour pouvoir maintenir une tension dans le licol, le temps que je décroche le mousqueton (attention à ne pas faire de bruit en ôtant le mousqueton, faute de quoi, le cheval risquerai de tenter de partir alors que la longe est encore attachée, et auquel cas, il faudra le tenir fermement).
  3. une fois le mousqueton retiré, je retire mon doigt de l'anneau : si le cheval est stressé, il va alors planter les antérieurs dans le sol avant de bondir en faisant un demi-tour sur place pour se lancer dans un galop effreiné dans le paddock.
Ce procédé est la règle de sécurité minimale à appliquer avant de lâcher un cheval. Sans quoi, le risque est trop grand de se prendre un coup de pied "de gaîté" au moment où le cheval va s'élancer.

Revenons en néanmoins à nos mouton et surtout à notre Varennes, il s'en suivi une bonne séance de travail monté sans rodéo. Depuis, lorsque je sors le cheval, je m'assure de savoir ce qu'il a fait les jours précédents, afin d'adapter mon programme. Le fait est que lorsqu'il a été monté la veille, le cheval est beaucoup plus "gérable".

Dernièrement, un reportage sur la méthode d'entraînement des chevaux de Pierre Pradier (ancien vétérinaire de l'équipe de France et grand homme de cheval), m'a ouvert les yeux sur une pièce manquante à mon équitation (oubliée devrais-je dire) : le travail en extension d'encolure. Partant du principe bien connu dans les milieux sportifs que toute articulation devait être élonguée avant d'être raccourcie, ce Monsieur rappelait qu'avant de chercher à rassembler les chevaux, il était nécéssaire de les "détendre". Ce mot prenait alors toute sa signification en tant que 1ère phase du travail d'un cheval.

Il insistait même en rappelant qu'avant de pouvoir demander quoi que ce soit à un cheval, la première des choses à obtenir était la "fidélité à la main". Immédiatement, en voyant le cheval sur la vidéo travailler en extension d'encolure, à la recherche du contact des rênes, je ne pu m'empêcher de rapprocher celà au concept bien décrit dans le livre de Nicolas Blondeau ("Le Débourrage"), de "la main impulsive". Ce dernier affirmait en effet que la base du travail du débourrage consistait à obtenir du cheval qu'il accepte le contact du mors et ne le lâche plus. On pouvait ainsi mener un cheval confiant, telle une mère qui tiendrait la main d'un enfant.

Je cherchais alors dans mes souvenirs comment j'avais déjà pu obtenir une extension d'encolure, et je me rappelais en avoir déjà fait l'expérience en établissant un contact avec la bouche du cheval et en levant les mains bien haut. J'avais même entendu parler d'une méthode qui consistait à "peigner les rênes" des deux mains vers le haut, pour que le cheval plonge, mais me semblait avoir également lu que cette méthode présentait l'inconvénient que les chevaux prenaient l'habitude d'arracher les rênes. Ayant bien retenu le principe d'équitation décrit dans les bons manuels comme quoi il fallait toujours avoir la main au dessus de la bouche du cheval, je retenais plutôt cette première solution (qui plus est, Jean D'Orgeix insistait beaucoup dans son dernier livre "Dresser c'est simple" sur la nécéssité d'avoir toujours la main haute et sur l'hérésie de la main basse).

Je décidais donc de tenter l'expérience et de procéder donc sur Varennes à un test grandeur nature de ces vérités. J'allais donc commencer ma détente au pas, en cherchant tout simplement une extension d'encolure, en recherchant le plus de confiance possible de la part du cheval. Et le miracle se produisit : en plaçant mes mains au contact et au dessus de sa bouche (en plaçant les mains en haut et très en avant, bras presques tendus), je vis le cheval opposer une résistance égale à mon contact, mais dirigée vers le bas ... Sur ce je m'empressais de rendre un peu les rênes pour l'inciter à descendre son bout du nez, et c'est ce qui se produisit. En réitérant ma demande plusieurs fois de suite, je réussit assez vite à obtenir la fameuse descente d'encolure, et je constatait alors non seulement que le cheval m'offrait un contact franc à la main mais surtout qu'il me donnait également un dos beaucoup plus ferme, et une amplitude du pas impressionnante.

Ainsi, miraculeusement, le cheval devint très vite plus confiant en son cavalier comme en lui même, et réussit à surmonter progressivement ses anciennes peurs. Dès que l'une d'elles revenait, je n'avait qu'à accompagner le cheval en lui offrant un contact franc avec des mains dirigées vers le haut, pour qu'immédiatement, il redevienne plus confiant, à mesure que sa tête redescendait.

Après une détente au pas, je pris le trot et procédant de même, j'obtint les mêmes résultats, avec un cheval certes sur les épaules, mais ceci n'étant que temporaire car par la suite, au cours du travail, le cheval vint se placer de lui même dans la bonne attitude, à mesure que je raccourcissait mes rênes.

Dès lors, je fixait pour acquis dans ma pratique que je consacrerait chaque jours 5 minutes de ma détente comme de mon retour au calme, à un travail en extension d'encolure, qui avait à mon sens encore plus de vertue que l'épaule en dedans pour les jeunes chevaux.

Ceci modifia également ma pratique de l'équitation dans le fait que j'avais là acquis la certitude qu'il ne fallait jamais tirer vers sois les rênes (source de contractions), mais plutôt s'efforcer de simplement monter les mains au contact, pour rester dans le mouvement et simplement influencer la perméabilité du cheval.